Présentation très intéressante ce 22 janvier 2014, de l’ouvrage « Ethnologie de la porte » par son auteur Pascale Dibie.
Ethnologue et professeur, il est, entre autres, l’auteur d’une savoureuse et intéressante « ethnologie de la chambre à coucher ».
Quelques notes prises au fil de la conférence :
Le mot « sortir » apparaît vers 1100. il prévient pour faire attention aux sortilèges que l’on peut rencontrer à l’extérieur. dans le mot « sortir », on retrouve aussi l’idée de « tirer au sort ».
la porte, en tant que telle, qui nous semble évidente, est une idée récente. Elle exprime le fait que nous, animaux pensants, nous fermions notre « niche écologique ».
Au Moyen-Age, la technique arrive, qui va changer le rapport à la porte avec les notions d’ouverture et de fermeture. 1080 -> ouverture / 1180 -> fermeture.
Avant le 15ème siècle, il n’y a pas de clé, telles que nous en avons aujourd’hui (trousseau de clés), sinon 1 seule pour ouvrir de l’extérieur. La serrure au 15ème – 16ème s. ne s’ouvre que de l’extérieur. La porte se barricadait de l’intérieur. Il n’y avait donc pas de double entrée.
Une porte d’église est construite comme un passage d’âmes qui se trouveront transfigurées au sein de l’église.
Au Moyen-Age, on lisait les portes.Le rapport au monde était basé sur le « locus » (lieu); les portes racontaient alors des choses par leur couleur, leur forme… Ainsi, Charles IX rentrant dans une ville, voit les portes peintes en jaunes, couleur des réprouvés, il comprend qu’il n’est pas le bienvenu; les portes auraient dû être bleues ou blanches.
L’homme du Moyen-Age est toujours dans le pèlerinage. Dans les églises, l’entrée est graduelle, le franchissement salvateur. A partir du rayonnement des lieux sacrés, passer une porte n’était jamais anodin.
15ème siècle -> Alchimie – Voir la Maison de la salamandre à Lisieux.
Les portes étaient -sont-toujours défendues, par des barres de fer, des fers à cheval. Voir la porte de la Collégiale de Chablis.
Le fer est un anti-démons. Ceci est vrai depuis l’époque romaine. les démons ont horreur du fer et des odeurs (arbres odorifères près des entrées – ail…)
A partir de la porte on rentre dans les belles villes, on instaure les « entrées royales ». On construit des portes pour des entrées solennelles. Il existe des livres d’entrées de porte qui régissent ces entrées. Le roi lui-même sera transfiguré par l’accueil reçu.
Cela vient de Rome, où l’on construit des voûtes entre les maisons, pour les soutenir. De ces constructions, on ira vers les arcs triomphalistes.
Anecdote voûte se disait « fornix » – Les femmes qui travaillaient à l’abri du vent et de la pluie sous ces voûtes étaient donc des « fornicatrices » et lorsque l’on a créé des maisons c’était donc des maisons de fornication.
On faisait passer les guerriers d’un état belliqueux à un état pacifique, en les faisant passer sous les arcs de triomphe, un esclave leur répétant à l’oreille « attention, tu n’es pas un dieu ».
Au 17) siècle les portes qui se nommaient « huis » prennent le nom de « porte » avec Louis XIV, puisqu’elles menaient à la Chambre du Roi. En plus de ces entrées royales, on voit la mise en place d’une étiquette.
1396 -> Formulaires des petites et grandes entrées
1534 -> Bienséance
1560 -> Préséance, hiérarchie -> Art du savoir-vivre
Au 18ème s., une nouvelle façon de vivre amène le verrou -> on ferme de l’intérieur ( Le verrou de Fragonard)
Au 167me s. C’est l’apparition des portes aux étages de la maison. début de la sensiblerie ( les hommes se cachent pour pleurer), les femmes se cachent pour lire et écrire.
Avec le 18ème, c’est la nouvelle urbanisation, les portes pour séparer, la pudeur qui s’affirme, l’isolement pour les besoins naturels, la toilette. On passe des gardes suisses au gardien, puis aux concierges.
La porte à tambour est créée fin 19ème siècle pour passer d’un espace à un autre sans en avoir l’impression. Le tourniquet va dans ce sens et est utilisé pour l’exposition universelle.
Au lendemain de la Révolution on commence à avoir apparaître les guichets qui abolissent les privilèges. Puis ils jugulent les angoisses des voyageurs qui prennent les premiers trains.
Aujourd’hui, les portes ne se poussent plus, elles glissent. Le rapport à la porte s’en trouve changé.
2tude intéressante sur les portes blindées, qui sont, de fait, plus fragiles que les portes classiques, car prenant appui de chaque côté du mur, avec un bon matériel, il suffit d’une poussée forte pour qu’elle tombe. Plus les gens sont diplômés, moins ils ont de portes blindées. Plus on a de connaissances, moins on a peur de l’autre.
Quelques références citées lors de la conférence :
André -Georges Haudricourt « Les pieds sur terre »
Antonin Artaud « Les mères à l’étable »
Louis-Sébatien Mercier « Tableau de Paris » (pour y trouver une histoire du protocole)
Le Roman de silence, XIIIème S., Heldris de Cornouailles (pour l’amour courtois)
Tanizaki « L’éloge de l’ombre »
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